PERFECTION, QUEL JOLI MOT!

Tu termines et tu vois que là et là aussi et là encore... mais pas plus! De toute façon toi tu sais que ceux qui viendrons y regarder de plus près ne verrons pas que là et là aussi et là encore, car tous ces "là "... mais pas plus, se confondent dans la masse de tout le travail que tu as accompli.

Lorsque j'étais plus jeune il m'est arrivé d'avoir quelques colères envers moi -même car je n'arrivais pas à maîtriser la matière à la perfection. Le joint mal fait, le carrelage un tout petit peu dévié, le placo, satané placo avec ses bandes et ses enduits, la peinture en dessus des plintes et dans les angles, le bois qui ne jointe jamais à la perfection... Je n'ose même pas parler de mon métier d'agricultrice!

Perfection, quel joli mot! Perfection et joli. J'ai eu la chance inouïe d'avoir pu contempler des merveilles plusieurs fois tout au long de ma vie. Rarement de pouvoir les toucher. 

Heureusement, lors de mon voyage en Inde, je me suis retrouvée un jour dans un temple tout en dentelle de marbre. La vision d'un joyau pour une personne telle que moi, qui a acquis la plus grande partie de ce qu'elle possède grâce à ses dix doigts. Dix doigts qui font souvent que: là et là aussi et encore là... mais pas plus!

Dans ce temple tout finement ciselé de dentelle de marbre, comment ne pas réaliser quel travail d'orfèvre, aussi colossal dans sa splendeur que dans sa méticulosité, a été accompli.

C'est beau, c'est grandiose. Impressionnant au point de te trouver quelque peu perturbée. Tu peux toucher. Les yeux te poussent à caresser le marbre si froid, mais aussi si doux sous la paume de ta main, sous le bout de tes doigts. À un moment, tu te sens comme perdue, plongée dans la plus pure beauté. Alors tu te rappelles qu'au milieu de ces piliers de dentelle si finement ciselés qui supportent dans leur droiture toute la splendeur de ce temple, un pilier, un seul a été délibérément érigé penché. Et tu le cherches. Et tu le trouves. En même temps tu plonges dans un certain apaisement lorsque tu admires ce pilier aussi beau que tous les autres, mais incliné parce que rien dans ce monde ne peut être absolument parfait. Et tu remercies celui qui, voilà des centaines d'années, a eu la sagesse de laisser par cette imperfection voulue, en ce lieu de recueillement, ce message à l'humanité. 

Si la nature restera toujours maitresse de sa destinée et de sa beauté, de ce jour, tu prends conscience que pour l'être humain, moralement, physiquement, intellectuellement, manuellement la perfection est une illusion que l'âme façonne à son idée. Et tu réalises que même ceux qui, par force de volonté ou par chance, l'ont atteinte, ne peuvent la posséder à jamais. 

Bon, je sais!  là et aussi là et encore là... mais pas plus ! Il existe des défauts qui font et feront que ma vie trouvera toujours une certaine forme de richesse morale en dehors de toute perfection recherchée. Et combien je suis chanceuse de pouvoir m'en contenter. Trop satisfaite de mon dernier travail accompli !