IL EXISTE DES MOMENTS

Parce que j'ai toujours mal à se fichu oeil gauche et que je suis rentrée à l'hôpital dans un parcours de soins où le docteur me pose mille et une questions,  il m'a demandé :  "avez-vous eu un traumatisme au niveau de la face?"

Je n'ai pas eu besoin de chercher pour lui dire que lorsque j'avais 4 ans, j'ai eu un terrible accident de voiture avec mon oncle et mes parents. J'ai tapé la tête, à n'en pas douter, car j'ai eu les yeux injectés de sang. Les médecins, à l'époque, ont eu peur que je perde la vue. J'ai gardé les yeux collés durant plusieurs semaines. Tous les matins, à mon réveil, ma grand-mère venait avec un morceau de coton et de l'eau tiède me les décoller pour que je puisse apercevoir, pas plus, la lumière. Tout au long du jour ils coulaient et cette période de ma vie est restée définitivement ancrée en moi malgré mon jeune âge. 

Non, comment oublier cette période là ? Mais il n'aurait pas dû me la faire remémorer ce fichu médecin, même s'il pense qu'elle peut avoir un lien avec ma pathologie actuelle. La vie écrit, si tu y prêtes attention, toutes les vérités qui peuvent répondre à tes questions.

C'était bien l'automne de mes 4 ans qu'a eu lieu cet accident, car il était rentré d'Algérie. Nous étions rentrées, elle, ma soeur et moi l'année d'avant à cause des évènements. Pour le Noël de mes 3 ans, il n'était pas là et nous avait envoyé 2 magnifiques poupées.  Une brune habillée de bleu pour ma soeur. Une blonde habillée de rose pour moi.

Je ne peux me tromper dans la chronologie du temps passé. L'accident a bien eu lieu fin septembre ou octobre de mes 4 ans. Un camion transportant de la raque de raisin avait chaviré sur la route de Pierrefeu. Cette route n'avait pas été nettoyée et la 2 cheveaux de mon oncle avait dérapé dessus avant de faire plusieurs tonneaux en contre bas.

 Lui et mon oncle n'ont eu que des contusions. Moi, mon problème aux yeux. Nous avons pu rentrer à la maison. Mais elle, elle avait reçu dans les côtes une fouilleuse que mon oncle avait mis dans le coffre de la voiture pour qu'on ne la lui vole pas à sa campagne dont nous revenions ce soir-là . Elle a eu la colonne vertébrale et la cage thoracique fracassées par cet engin en grosse ferraille. Elle est restée plusieurs jours et sans doute plusieurs semaines à l'hôpital. Elle n'était pas là pour me décoller les yeux, ni pour me mener à l'école quand je me suis trouvée mieux.

Lorsqu'elle est rentrée à la maison,  elle est restée de nombreux jours dans sa chambre. Je me rappelle de ces moments où le feu était allumé dans la cheminée et où je me tenais sagement à ses côtés.  C'était l'hiver, à n'en pas douter.

Au mois de juin suivant une petite soeur est arrivée. Personne ne m'a parlé de cette future venue. Je ne l'ai pas vu enceinte. Je ne suis pas allée les voir à la clinique, comme pour le petit dernier, l'année suivante.

Il existe des moments où j'occulte tout parce que je me force à ne jamais être sure de ce que je découvre et ce que je pense. C'est bien mieux pour moi, mais surtout pour eux. Seulement, voilà! lorsque je dois rechercher dans mon passé pour x et x raisons, je lève toujours un lièvre. Alors, je ne peux pas m'empêcher de me demander dans quel filet de crabes je suis née? 

Je n'ai pas besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour écrire. Finalement,  je leur doit bien ça!  Presque à les en remercier avec une petite pensée de compassion en pensant à la vie qu'ils se sont forgés. Une vie aussi terrible que cruelle. Cela dépasse parfois l'entendement.

Si seulement mes deux soeurs, celles de ma vie et celle que j'ai dans le cœur étaient encore auprès de moi...