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Petits moments de vies, de ma vie. Chaque rencontre, chaque pensée, chaque peine, chaque bonheur me mènent à découvrir mon prochain, à exprimer mon ressenti. Il existe un monde tout autour de moi. Il existe moi dans ce monde. Lorsque je ne ferai plus partie de ce monde, je sais qu'il fera toujours partie de la vie d'un bon nombre de ceux qui le créent pour moi.

LE JOUR DE LA COLERE

Ce matin ma petite dentiste m'a dit "Aujourd'hui, c'est votre jour de la colère..."

Je l'ai regardé, très étonnée qu'une aussi jeune femme trouve un intérêt à analyser les tensions actuelles du monde agricole.

Je lui ai répondu que je ne pouvais que me sentir en colère face à la situation difficile que connaissent les agriculteurs. Plus encore, j'éprouvais même de la colère contre les "gros" agriculteurs qui se trouvaient pris à la gorge, car endettés à un tel point que certains en arrivaient à des solutions extrêmes. 

Depuis plus de trois décennies, ces gros exploitants ont bénéficié de toutes les aides de l'Europe. Ils n'ont eu aucun état d'âme à gober bon nombre de petites exploitations qui se trouvaient autour de la leur. Un crève-cœur pour certains Petits Paysans qui se sont passés la corde au cou bien avant eux, car leur façon d'exploiter ne correspondait plus aux critères définis par la politique agricole européenne. Aucune aide financière pour eux. Ils devaient disparaitre pour que l'agriculture nationale se tourne vers un avenir prometteur. Et ils ont disparu, par dizaines, par centaines, par milliers, année après année.

Je ne sais plus quel parcours d'installation doivent suivre les nouveaux prétendants à l'installation. Durant   de nombreuses années, les agriculteurs qui voulaient s'installer devaient suivre un parcours du combattant. La fameuse EPI ! (étude prévisionnelle d'installation) recalait d'entrée  tous ceux qui présentaient des projets d'installation qui n'entraient pas dans les critères gargantuesques d'une agriculture soi-disant d'avenir.

Il fallait avoir les reins solides, des capitaux personnels ou d'investisseurs énormes pour prétendre à des emprunts, qui tournent pour un seul tracteur autour des 200 000 euros. On ne prête qu'aux riches!

Le droit de s'installer, je dis bien le "DROIT" n'était donné, dans la grande majorité, qu'aux gros exploitants. Tous les Petits ont dû se battre pour accéder au métier dagriculteur. Des milliers ont disparu. D'autres ont tenu le coup sans percevoir les aides européennes réservées aux grosses exploitations . Ils ne représentent plus grand-chose dans le monde agricole actuel, mais ils tiennent bon grâce à leur système de vente directe qui leur permet d'avoir des revenus qu'ils ne vont pas perdre dans une main-d'œuvre démesurée, du matériel agricole hors de prix, des charges et des contraintes impossibles à gérer sans une aide administrative extérieure qui occasionne aussi un coût énorme. 

Il ne faut pas croire que les Petits Exploitants actuels vivent dans le meilleur des mondes, car toutes les contraintes européennes, même s'ils ne bénéficient pas des aides, sont ancrées dans leur cahier des charges comme pour les gros. Il leur faut un courage d'enfer pour exercer ce métier qui ne peut être que viscéralement accroché à leur âme pour qu'ils puissent en supporter les contraintes physiques et administratives sans se décourager.

L'agriculture française ne se meurt pas d'aujourd'hui. Elle a commencé à disparaitre depuis plus de trente ans, à cause d'une volonté politique qui n'a cessé d'enterrer les Petits Paysans.

Je parle en connaissance de cause. Mon exploitation était à seulement 4 mains. Elle a été rentable et m'a permis d'affirmer, durant toute son activité, qu'elle représentait "le dernier des Mohicans". Malheureusement, elle a cessé d'exister le jour où je suis partie à la retraite. De la peine à cause de cela, mais aussi parce que je n'ai pas pu transmettre un savoir-faire ancestral qu'il faut adapter aux conditions climatiques actuelles.

La colère du monde paysan est une colère juste. Mais ma colère d'avoir vu, tout au long de ma carrière d'agricultrice, disparaitre les fondements ancestraux de l'agriculture est en partie retournée contre tous ces "gros" paysans qui ont, eux aussi, écarté "les Petits" pour bénéficier d'un système qui insidieusement les a mis à genoux. Personne ne peut bénéficier de centaines de milliers d'euros d'emprunts sans condition et sans avoir à les rendre.  

Je souhaite du profond de mon âme qu'une prise de conscience vienne permettre à tous les Petits Agriculteurs, déjà en place ou avec la volonté de s'installer, de retrouver une identité aussi belle que celle portée par les agriculteurs du siècle dernier. Ils sont les producteurs de la diversité alimentaire. Ceux de la proximité. Ceux qui peuvent encore respecter la terre, car ils ne sont pas tenus à une productivité intensive. Ceux qui sont fiers du fruit de leur labeur. Ceux qui sont heureux lorsque les consommateurs les remercient pour leur travail qui les nourrit.

 

 

 

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